• Samuel Paty : Revenir à la raison et à l'universel - 26/10/2020

    Samuel Paty : Revenir à la raison et à l'universel

    Pour toute Nation normalement constituée, le meurtre contre un enseignant est un signe d'une société altérée, profondément malade. Un signe malheureusement d'échec collectif : pouvoirs administratifs, représentants politiques, en passant par les grands groupes numériques (Facebook, Twitter, Instagram...) qui, tous, n'ont pas encore réussi à résorber les problématiques du terrorisme poussant les (très) jeunes à passer à l'innommable.

    Aucune religion n'est coupable. Le fanatisme qui ose se dire fils de la religion en est plutôt complètement déconnecté, à tel point que nous rendrons service à la liberté de croire ou de ne pas croire ainsi qu'à la liberté d'expression ou d'opinion par le combat permanent contre l'extrémisme (pas seulement religieux), que ce soit sur le terrain comme sur Internet. C'est dans ce combat que nous protégerons en particulier les croyants et les enseignants.

    Avec les polémiques que nous fabriquons, nous nous rendons assez peu compte que c'est une idéologie fanatique qui cible les croyants et les non-croyants. Les terroristes ont une vision étriquée de la religion ; pour eux, nous sommes une masse confuse et dangereuse de Dieu si nul ne se soumet à ses commandements et, de facto, nous méritons le châtiment divin pour ne pas appliquer entièrement ses commandements. Mais de quel Dieu parlent-ils ?

    Les méthodes employés par les obscurantistes n'ont pas le début du commencement d'un programme. Ils prennent des versets au sens littéral du terme pour en faire des idéaux politiques. En comprenant cela, il serait médiatiquement et politiquement irresponsable de jeter l'anathème sur toute une communauté religieuse n'aspirant qu'à la paix et à la dignité, loin des faux semblant, principalement les Musulmans pour ne pas les citer.

    Nous avons donc le devoir de revenir à la raison politique et à l'universalité des principes républicains : liberté, égalité, fraternité.

    C'est dans ce contexte que l’enseignement moral et civique doit être renforcé dans nos écoles, en comblant la crise des vocations et le manque d'enseignants cela par plus de moyens humains, matériels et financiers pour l'Education nationale.

    Pour autant, même si les inégalités ne disparaitront pas, heureusement que fleurissent des écoles - par le biais de projets éducatifs locaux - qui apprennent et apprendront encore des valeurs universels : le partage, la solidarité, l'ouverture à soi et aux autres, l'importance des livres. C'est ce que je nomme des écoles du futur où les enfants de toutes les classes sociales mélangées seraient porteur de solutions à long terme pour changer notre modèle de société (trop axé sur le néo-libéralisme qui mène à l'individualisme) dans les temps de crise.

    La France a besoin d'une volonté politique beaucoup plus forte, et à grande échelle, pour généraliser ces écoles où même les sciences religieuses auraient leur place par des personnels suffisamment formés pour éclairer les consciences. En quelque sorte, rapprocher le religieux et le profane serait un excellent moyen de dépoussiérer les relations entre l'Etat et le culte (évidemment, sans revenir à l'Ecole traditionnelle des 18ème et 19ème siècles).

    Nelson Mandela disait que "l'éducation est l'arme la plus puissante pour changer le monde".

    Avec ce meurtre, cette phrase n’a jamais été aussi vibrante qu'aujourd'hui où la violence des mots et des corps n’a jamais été aussi forte (ex : le décalage entre les élites politiques et les peuples fait naître aussi le sentiment de déclassement national). La liberté d’expression, l’ouverture des esprits, l’agilité intellectuelle à discerner le bien du mal, le vrai du faux ou le bon du mauvais, la curiosité, l’apprentissage, la transmission sont, somme toute, des éléments à vitaliser par le biais de l'école du futur.

    Comme les écoles fleurissent pour transmettre des valeurs humaines à visée pédagogique, soyons également reconnaissants de bénéficier d'un personnel éducatif suffisamment qualifié (professeurs et animateurs périscolaires) pour donner du souffle à une jeunesse qui se questionne dans les temps de crise.

    C'est durant ces temps-ci que la connaissance, l'approfondissement et la curiosité doivent prendre toute leur place face à l'ignorance qui gagne du terrain. Si cela n'est pas fait, le risque est d'avoir une Nation qui s'écroule et qui se replie sur elle-même, ce que tout responsable politique doit constamment se rappeler.

    Les enseignants sont une chance pour notre République et que n'ont pas d'autres pays - même développés : ce sont des acteurs de notre émancipation individuelle et collective malgré la déconsidération que peut leur porter dans un contexte où les doctrines néo-libérales casse le modèle français jacobin, orienté services publics. Les enseignants donnent beaucoup de temps et d'énergie contre les inégalités sociales. Ils instaurent une certaine cohésion dont nous avons besoin par le biais de savoirs fondamentaux.

    Samuel Paty : Revenir à la raison et à l'universel - 26/10/2020

    Par conséquent, l'unité est absolument indispensable pour ne pas sombrer dans une crise identitaire plus profonde, favorable à l'extrême-droite qui porte en elle une ambition pas plus reluisante que la promesse d'un châtiment fait par des fanatiques religieux. En France, l'Islam - qui provoque des interrogations, des inquiétudes voire de la haine chez beaucoup de personnes - devrait être plus accessible pour les consciences voulant découvrir cette religion.

    Par exemple, l'idée serait de passer par la formation renforcée des imams et des futurs théologiens où la transmission du savoir serait prodiguée par responsables religieux certifiés : ce serait un moyen de démocratiser la compréhension de cette religion par la déconstruction des peurs autour d’elle.

    L’apprentissage d’une religion et sa démocratisation peuvent être une réponse à la crise identitaire que connait la France et à la crise existentielle que peuvent connaitre les jeunes qui basculeraient dans le terrorisme.

    Pour le redire, nous devons cesser de voir les communautés comme une source de tous nos maux. Si nous sommes unis et dans l'acceptation de nos cultures, de nos opinions et de notre savoir-vivre bien différents des uns des autres, nous serons une Nation plus forte sur le plan économique et social avec une meilleure attractivité du pays pour les étrangers et les investisseurs.

    Néanmoins, ce qui a l'air simple ne l'est pas en pratique... en même temps qu'on ne construit pas une Nation sur des clivages inutiles portant sur nos différences au risque d'une longue impasse politique qui mènerait la funeste radicalité politique au pouvoir un jour.

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